Librairie Pierre Saunier

La Mer de Nice. Lettres à un amiLa Mer de Nice. Lettres à un ami La Mer de Nice. Lettres à un amiLa Mer de Nice. Lettres à un ami La Mer de Nice. Lettres à un amiLa Mer de Nice. Lettres à un ami

Banville (Théodore de).
La Mer de Nice. Lettres à un ami.

Paris, Poulet-Malassis & de Broise, 1860 ; in-12, pleine percaline verte à la bradel, non rognée, couverture conservée (Pierson). 6 ff. n. ch., 224 pp.

Livre vendu

Édition originale.

Magistral envoi a. s. rimé (9 strophes) :

A mon ami Jules de Prémaray.

Mon ami,  je vous livre / Un Souffle aérien, / Un livre, / Un enfant… moins que rien.

Chez vous, sans préambules / C’était lui qui sonnait, / Cher Jules ; / Sonnet… c’est un sonnet !

Enfin, voici ma prose ! / Elle prodigue un peu / Le rose / Et la couleur de feu.

Mais je viens de ce Nice / Fait pour que le soleil / S’unisse / Avec le flot vermeil.

Ce voile qui s’azure / Au ciel, étale sans / Mesure / Des ors éblouissants.

Hélas ! comment contraindre / Votre froide raison / Et peindre / L’Eden en floraison ?

D’autre part quel délire / D’accoster en porteur / De lyre / Les gens du Moniteur !

Donc en ma folle ivresse, / Pour ce terrible jeu / D’adresse / J’ai fait trop… ou trop peu.

C’est dit ; je m’en excuse ! / Mais qu’un ami flatteur / Excuse / Les fautes de l’auteur !

Théodore de Banville – Bellevue, 1er novembre 1860.

Compagnon de jeunesse de Murger, Mimi, Nadar ou de notre poète funambulesque, Jules de Prémaray naquit sous les étoiles de la bohême parisienne des buveurs d’eau.

Après s’être spécialisé dans les faire-part de mariage ou de décès (un signe), il obtint sa notoriété et ses premiers sifflets aux Théâtres du Boulevard du Crime. La révolution de 1848 plongea sa plume dans la chronique dramatique : durant une bonne quinzaine d’années, chaque semaine, sa critique chirurgicale était attendue et redoutée avec inquiétude, ce qui fit écrire à Monselet dans sa Lorgnette (p. 178) : Jules de Prémaray est le seul qui prenne de temps en temps la peine de discuter une pièce de théâtre ; le malheur pour les auteurs est que, la pièce une fois discutée, il n’en reste souvent plus rien.

On comprend mieux l’appréhension amusée de Banville dans la dédicace de son bouquin. Ce même Banville lui composa, cinq ans après la Mer de Nice, un habile paragraphe pour ses Camées Parisiens :

Il est petit, comme Balzac exigeait que les penseurs le fussent, et, chez lui, l'expression, le regard, indiquent l'esprit et la hardiesse d'esprit. À le voir ardent, obstiné, volontaire, on devine un travailleur acharné, un observateur convaincu, un inventeur dramatique, vraiment né pour cet art robuste qui, en poésie, est le mâle et le soldat. Une tête irritée, comme l'homme, qui est irritable. Une chevelure noire, aujourd'hui un peu mêlée de quelques fils argentés, très abondante et frisée en coups de vent. Le nez est plus qu'aquilin, le teint fauve et coloré aux pommettes. Des yeux noirs, doux quelquefois, le plus souvent sombres. Par quel caprice le hasard s'est-il plu à donner à cet artiste énergique des mains d'infante et une merveilleuse petite oreille, semblable à la célèbre oreille de Mademoiselle Forster chantée par Théophile Gautier ? La nature rappelle toujours au poète le plus barbu qu'il est femme par quelque bout, et c'est là une de ses plus puissantes ironies (Tome I, p. 184).