Librairie Pierre Saunier

Le Mendiant ingratLe Mendiant ingrat Le Mendiant ingratLe Mendiant ingrat Le Mendiant ingratLe Mendiant ingrat Le Mendiant ingratLe Mendiant ingrat

Bloy (Léon), Huÿsmans (Joris-Karl).
Le Mendiant ingrat. Journal de l’Auteur. 1892-1895.

Bruxelles, Edmond Deman, 1898 ; in-8, bradel pleine toile bleu marine, pièce de titre paille, non rogné, couverture conservée (reliure d'époque). 1 f., 447 pp., 3 ff.

3 000 €

Édition originale.

C’est l’exemplaire de Joris-Karl Huysmans.

Il en fit lui même l’acquisition et le fit établir dans l’atelier de reliure du Père Bluté de la communauté des moines de l’abbaye bénédictine de Saint-Martin, près de Ligugé, où il venait de s’installer.

Peu de jours avant sa mort, en mai 1907, Huysmans l’offrit à René Dumesnil (1879-1967). Ce dernier conservera l’exemplaire toute sa vie. Il en mentionne l’existence au cours d’un article intitulé J.-K. Huysmans et Léon Bloy qu’il publia le 7 février 1948 dans Une Semaine dans le Monde (ancien supplément du Monde) – non sans se méprendre sur la nature du papier du volume (hollande pour vergé de hollande), erreur combien coutumière pour Le Mendiant (la signature de Bloy à la justification de la totalité des exemplaires induit facilement cette erreur).

Quelques années après la mort de Dumesnil, le volume reparut sous le numéro 37 de la vente du 10 avril 1973 (voir le catalogue de 6 pages, sous-titré Bibliothèque René Dumesnil, consultable aux Archives Nationales (fonds ABXXXVIII, n°151). Succinctement décrit : toile bleue, l’exemplaire était alors proposé sans les deux lettres de Bloy que Huysmans y avait ajoutées (selon l’article de Dumesnil). Il dut passer complètement inaperçu si l’on interroge le prix d’adjudication, 100 francs, sauf pour l’acquéreur... on allait oublier ce détail : ces éléments ont été consignés dans l’exemplaire par ce dernier qui, évidemment, connaissait déjà le pedigree du livre – il nous a suffi de vérifier ses assertions (signées M. S.) aux sources.

Rappelons que Huysmans n’a jamais reçu Le Mendiant ingrat des mains de Bloy, dédicacé ou non, ni même jeté à la figure. Leur rupture était consommée depuis avril 1891, date de l’Enquête sur l’évolution littéraire de Jules Huret, la guerre était déclarée, une guerre menée surtout par Bloy, en une série d’articles et brochures diffamatoires dont il poursuivit Huysmans jusqu’au tombeau et au-delà.

Dans ce registre, Le Mendiant ingrat est un des sommets de la vindicte haineuse de Bloy pour Huysmans dont le nom revient à chaque instant accompagné d’épithètes outrageantes et de jugements dont l’injustice s’aggrave du tour plaisant qui lui sert d’expression (Dumesnil). Tout prétexte est bon pour accabler le pneumatique Huysmans, le moindre commérage est recueilli avec exultation, rapporté avec délices… Certes, sans son verbe vitupérateur et indigné, Bloy ne serait pas Bloy, mais plus que sa véhémence c’est son acharnement qui en devient ici particulièrement choquant.

On comprendra que Huysmans s’en soit allé acheter son propre exemplaire, il fallait bien le lire pour le croire !

Ajoutons encore que cette reliure, à la toile bleue si caractéristique, est absolument identique à celles d’autres livres de la bibliothèque de Huysmans qu’il fit exécuter à la même époque dans cet atelier – elles ne sont jamais signées – seules parfois la signature de Huysmans, ou des dédicaces, en attestent la provenance.

Coiffe supérieure (elle aussi) un peu choquée...