Édition originale tirée à petit nombre sur vélin fort.
Envoi a. s. : A Aug. Poulet-Malassis, souvenir de l'auteur, Gustave Le Vavasseur.
Une histoire virtuose de la rime en alexandrins – un tour de force – où sont conviés les poètes par douzaine, de siècle en siècle… On y relève aussi des souvenirs de l’auteur évoquant les trois amis de sa jeunesse, Prarond, Dozon (alias Argonne) et Baudelaire : Ce fut vers ce temps-là que, d’une amour fervente, Nous aimâmes aussi la Muse et sa servante ; Nous nous mîmes à quatre à hanter la maison. Vous et moi, mon ami, Baudelaire et Dozon, Nous aimions follement la Rime ; Baudelaire Cherchait à l’étonner plus encor qu’à lui plaire. Avait-il peur de voir, par un soin puéril, L’originalité de sa Muse en péril, Et son indépendance était-elle effrayée De suivre en cette amour une route frayée ? – Peut-être, parmi ceux d’hier et d’aujourd’hui, Nul ne fut moins banal ni moins naïf que lui (…) – c’était durant l’hiver 1839-1840, la maison était la pension Bailly… Le Vavasseur, Prarond et Baudelaire devaient même publier un recueil dont chacun occuperait un tiers. Baudelaire s'étant ravisé, Dozon, sous le pseudonyme d'Argonne, le remplaça - intitulé Vers, le recueil parut en 1843.
Baudelaire appréciait l’habileté de versificateur de Le Vavasseur comme il le souligne dans la notice qu’il lui consacre, en 1862, dans l’Anthologie d’Eugène Crépet des Poëtes français contemporains (tome IV) : Il y a bien des années que je n’ai vu Gustave Le Vavasseur, mais ma pensée se reporte toujours avec jouissance vers l’époque où je le fréquentais assidûment. Je me souviens que plus d’une fois, en pénétrant chez lui le matin, je le surpris presque nu, se tenant dangereusement en équilibre sur un échafaudage de chaises. Il essayait de répéter les tours que nous avions vu accomplir la veille par des gens dont c’est la profession (…) Gustave Le Vavasseur a toujours aimé passionnément les tours de force. Une difficulté a pour lui toutes les séductions d’une nymphe. L’obstacle le ravit, la pointe et le jeu de mots l’enivrent ; il n’y a pas de musique qui lui soit plus agréable que celle de la rime triplée, quadruplée, multipliée. Il est naïvement compliqué (…) Qu’on se figure, unies à ce goût candidement bizarre, une rare distinction de sentiment et d’esprit et une instruction aussi solide qu’étendue, on pourra peut-être attraper la ressemblance de ce poëte qui a passé parmi nous, et qui, depuis longtemps installé dans son pays (la Normandie, ndlr), apporte sans aucun doute dans ses nouvelles et graves fonctions le même zèle ardent et minutieux qu’il mettait jadis à élaborer ses brillantes strophes, d’une sonorité et d’un reflet si métalliques. Vire et les Virois sont un petit chef-d’œuvre et le plus parfait échantillon de cet esprit précieux, rappelant les ruses compliquées de l’escrime, mais n’excluant pas, comme on le voit, la rêverie et le balancement de la mélodie. Car, il faut le répéter, Le Vavasseur est une intelligence très – étendue, et, gardons d’oublier ceci, un des plus délicats et des plus exercés causeurs que nous ayons connus dans un temps et un pays où la causerie peut être comparée aux arts disparus (…).
Admirable provenance – et puis, Poulet-Malassis est bien plus qu’un simple trait d’union…
Portrait gravé de Le Vavasseur et Ernest Prarond en frontispice.
Bel exemplaire, rare.