Collection complète de La plus moderne des revues actuelles (comme Apollinaire tenait à la présenter) et qui allait devenir la première sinon la plus importante de toutes les revues d’avant-gardes du XXe siècle.
Guillaume Apollinaire, André Billy, René Dalize, André Salmon et André Tudesq en sont au commencement les fondateurs et les principaux rédacteurs. Dès le premier numéro Apollinaire déploie son audacieuse critique d’art (Du sujet dans la Peinture moderne ; La Peinture nouvelle) et publie en avant-première les poèmes d’Alcools (Le Pont Mirabeau paraît dans le numéro 1). Chacun s’est engagé à verser 20 francs par mois ce qui s'avère insuffisant, comme la quarantaine d'abonnés que compte la revue après une année d'existence. Elle cesse de paraître en juillet 1913. En septembre suivant, il est question que Serge Férat et sa cousine germaine, la Baronne Hélène d’Œttingen (tous deux sont originaires de Russie) rachètent la revue. Finalement, les cousins en deviennent les mécènes, prêtant l’argent nécessaire à Apollinaire pour qu’il rachète les parts de ses premiers collaborateurs – il peut ainsi conserver le titre de la revue qu’il trouve si joli et devenir avec Jean Cérusse (pseudonyme de Serge Férat) le seul maître à bord.
En novembre 1913, après quatre mois d'interruption, Les Soirées de Paris reparaissent avec quelques modifications, la plus significative étant l'insertion de reproductions photographiques d'œuvres contemporaines, une grande nouveauté pour l'heure. Cela commence au numéro 18 (premier numéro de la nouvelle série) avec cinq natures mortes cubistes de Picasso que suivront des tableaux, des dessins ou des sculptures de Matisse, Laurencin, Gleizes, Metzinger, Bruce, Survage, le Douanier Rousseau, Derain, Brancusi, Picabia, Braque, Archipenko, Vlaminck, Léger, etc. pour la plupart inconnus du public.
Les Soirées de Paris s’installent dans l’ancien atelier de Serge Férat qui accueille chaque mercredi poètes, écrivains, artistes et lecteurs, l’occasion de célébrer aussi le lancement de chaque nouveau numéro dans de somptueuses fêtes savamment orchestrées par la Baronne d’Œttingen. Roch Grey ou Léonard Pieux (pseudonymes de la Baronne), Dalize, Max Jacob, Blaise Cendrars, Jean Paulhan, Alberto Savinio y publient leurs premiers textes, comme Maurice Raynal (propagandiste cubiste maison) qui rédige les premières notes sur le cinéma (notamment sur le Fantômas de Feuillade) qui font des Soirées une des premières revues à s’intéresser au sujet ... Après les poèmes d’Alcools de la première série, Apollinaire y publie les poèmes qui formeront Calligrammes et surtout ses révolutionnaires idéogrammes lyriques que la revue imprime en double pages. Bref, ce petit aperçu pour souligner l’importance des Soirées de Paris, extraordinaire revue - capitale - qui s’arrêta net à la déclaration de guerre ...
L’exemplaire a été joliment relié à l’époque – peut-être s’agit-il d’un exemplaire de collaborateur ou d’abonné – c’est en tout cas une condition peu fréquente, comme l'est d'ailleurs la revue qui reste fort rare complète. En tête de chacun des deux tomes les couvertures des premiers numéros des deux séries.
Les illustrations hors-texte, reproductions photographiques imprimées sur papier couché, sont toutes comprises dans la pagination. Les fascicules ne cessent de grandir : les deux premiers numéros mesurent 142 x 156 mm, puis à partir du numéro 3 jusqu’au 18 font 165 x 252 mm pour finir du 19 au 27 à 170 x 262 mm.
Quelques rousseurs éparses.
Ex-libris Hubert Heilbronn.